Sainte Germaine
15-6-24
Sainte Germaine est un bel exemple de la sainteté cachée, ignorée de ses contemporains. Elle a vécu à l’écart de la famille Cousin, à l’écart du monde, comme ermite malgré elle, ayant peu de relations autres que celles qu’elle entretenait avec Dieu, avec la Vierge Marie et les saints. Sa vie fut une longue traversée de désert, dans lequel elle a trouvé la source divine cachée à laquelle elle désaltérait sa soif intérieure. C’est en Dieu qu’elle trouvait la consolation, l’amour que recherche tout cœur humain, la paix intérieure, la force de supporter les souffrances, la charité envers plus pauvre qu’elle-même. Elle pratiquait la prière, le jeûne, l’aumône, les trois moyens prônés par Dieu et par l’Église, lors du Carême qui nous prépare à fêter la résurrection du Christ. Sa vie a été un long carême qui l’a conduite à sa Pâque, c’est-à-dire à entrer dans le monde nouveau inauguré par le Christ ressuscité. Son cœur pur a fait des épreuves de sa courte vie un chemin de croissance spirituelle ; croissance dans la foi, l’espérance et la charité, croissance dans la pauvreté, la chasteté, l’obéissance.
On peut admirer son détachement, son humilité, sa charité, sa vie de contemplation et de prière. Pas de révolte, pas de dissimulation, une vie limpide comme une eau pure. Elle n’a rien revendiqué pour elle-même ; elle a accepté les rudes conditions de sa vie de malade, handicapée, mise à l’écart, souvent agressée par sa marâtre, mal nourrie, dormant avec les moutons. Elle a dit « oui » à Dieu pour vivre la vie austère qui lui était proposée ; elle a pris sa croix et suivi Jésus. Elle a trouvé sa plénitude en Dieu, en qui elle a mis toute sa confiance.
Sainte Germaine n’a rien fait d’extraordinaire si ce n’est de faire ce qui lui était demandé par sa marâtre ou par Dieu. C’est pourquoi on ne peut rien dire sur elle, si ce n’est sa petitesse, sa radicale faiblesse ; tout est à rapporter à Dieu en elle ; elle fut un pauvre vase d’argile rempli du trésor de la grâce divine ; elle fut comme un miroir du Fils de Dieu fait homme, crucifié, humilié.
Personne, de son vivant, n’a pu contempler ce miroir. Il a fallu attendre quarante ans après sa mort pour découvrir la beauté de ce visage et le trésor de grâce qu’abritait son corps meurtri. Alors la grâce s’est répandue autour de ce corps, et Dieu a accompli des merveilles par l’intercession de son humble servante Germaine. Il continue aujourd’hui à agir à travers elle.
Dieu se révèle aux tout-petits. Si l’on veut trouver Dieu, il faut se faire tout petit, suivre Jésus avec confiance, prendre son joug, devenir ses disciples. La fécondité d’une vie vient d’un cœur blessé qui greffe ses blessures sur la blessure du Cœur de Jésus. Toute fécondité spirituelle vient du Cœur transpercé de Jésus. Chaque être humain naît avec la blessure du péché originel qui est une blessure d’amour : nous avons soif de l’Amour, de la plénitude de l’Amour. À cette blessure originelle s’ajoutent les blessures de la vie, et les blessures du péché. Souvent le cœur saigne, souffre, du coup la personne cherche à se protéger en se repliant, en « bétonnant » son cœur. La tentation est de chercher à combler cette blessure par un amour captatif, égoïste ; on cherche à être aimé en ramenant les créatures et les autres à soi, en les captant. Sainte Germaine a trouvé la Source, sans chercher à la capter ; elle a laissé couler sa blessure et en a fait comme un canal pour que l’Eau vive coule en elle et mystérieusement autour d’elle. Elle a fait du bien autour d’elle, elle n’en a pas voulu à sa marâtre, elle a partagé son morceau de pain avec les plus pauvres. C’est toujours les plus démunis qui partage le plus ; étant habitué à ne rien avoir, ils n’ont rien à perdre, à la différence des riches.
Que retenir de cette vie, qui est pour nous Parole de Dieu ? La confiance en Dieu dans les joies et les épreuves de la vie, l’abandon à la providence : Dieu veille sur nous, avec Lui nous ne sommes jamais seuls ; Il pourvoit à nos besoins. Sainte Germaine, dans ses épreuves, a su se tourner vers Dieu et tout attendre de Lui ; elle a développé un grand attachement à Dieu, une vie de prière. Le Seigneur Lui-même a dû lui enseigner à prier. La pauvre Germaine a trouvé le vrai trésor, et elle a su s’enrichir de la grâce divine jusqu’à être reconnue comme sainte. Sa brève vie, qui aurait pu être une ombre fugitive ne laissant aucun souvenir, rayonne jusqu’à nous, plus de quatre cents ans après sa mort ; elle rayonne pour l’Éternité !
Notre culture de consommation nous a éloignés de l’essentiel ; on nous fait rêver à travers la télévision et les images, d’une vie facile, de la richesse, d’une éternelle jeunesse, d’une beauté extérieure, de joies superficielles : tout cela est mensonge. Le mensonge et l’égocentrisme conduisent à la violence, à la mort, à la désespérance (d’où l’avortement ou l’euthanasie).
La réalité, ce sont nos blessures, nos handicaps physiques ou intérieurs, les épreuves de la vie, mais aussi l’amour de Dieu, sa Paternité. Sans Dieu nos vies n’ont pas de sens, elles sont absurdes. Mais si l’on trouve la Source, alors on goûte une paix, une joie profonde ; on retrouve l’espérance, on s’ouvre aux autres. On découvre que l’on a des trésors à partager aux autres. Le véritable amour dilate le cœur et le transforme ; il permet à l’être humain de devenir lui-même en se donnant. La véritable beauté de la personne est intérieure, mais elle se reflète à l’extérieur, par la pureté de son regard, par la bonté qui transparaît, par la paix qui unifie son visage. C’est cette beauté qu’ont découvert ceux qui ont enlevé la dalle qui recouvrait le corps de sainte Germaine.
La Source divine est à notre portée. Laissons donc les illusions de ce monde pour puiser en elle les eaux pures qui conduisent au vrai bonheur !
+ Guy de Kerimel
- Archevêque de Toulouse