Messe d’installation et de bénédiction de la Confrérie des porteurs de la châsse de Sainte-Germaine.
3e de Carême – Homélie de Mgr Le Gall
Nous sommes fragiles, nous avons pour demeure un corps fragile.
Nous voici rassemblés autour du corps fragile et menu de sainte Germaine.
Corps infirme, un peu contrefait, relégué, parfois moqué.
Et pourtant, 43 ans après sa mort, on le découvre intact :
il est vénéré ; autour de lui des miracles ont lieu : guérisons et conversions.
Depuis un an, nous avons réalisé combien nous sommes fragiles :
le coronavirus a changé la face du monde. Avons-nous changé ?
« En ce moment où tout semble se diluer et perdre consistance,
écrit le pape François dans Fratelli tutti,
il convient de recourir à la solidité tirant sa source
de la conscience que nous avons d’être responsables
de la fragilité des autres dans notre quête d’un destin commun » (115).
Nous l’entendons ce dimanche dans la parole de saint Paul :
« Ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes,
et ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes » (1 Co 1, 25).
Nous allons vers le Mystère pascal, victoire de la Vie sur la mort,
pleine santé et sainteté du corps du Christ, défiguré, transfiguré,
antidote de toute corruption de l’âme et du corps.
Quoi de plus faible que les restes d’un être humain ?
Pourtant, à Rome, le tombeau de Simon-Pierre est le fondement
de l’admirable architecture de Saint-Pierre
jusqu’au sommet de la coupole de Michel-Ange.
À Saint-Benoît-sur-Loire, la châsse du premier Patron de l’Europe
est la racine sainte de l’Abbatiale de Fleury,
un des chefs-d’œuvre de l’art roman.
À Saint-Sernin de Toulouse, l’immense reliquaire
autour des restes de saint Saturnin se déploie
dans la splendeur de la basilique insigne,
la plus grande église romane d’Europe et du monde,
étape privilégiée du pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle.
Le palmier qui rayonne au-dessus de la tombe de saint Thomas d’Aquin
aux Jacobins montre combien le grain de blé tombé en terre
peut devenir un arbre et porter beaucoup de fruit.
Ici, à Pibrac, la basilique n’a de sens que dans l’espace
de foi et d’amour qu’a généré l’humble sainteté
de notre « Bergère si chère ».
N’est-ce pas ce que Jésus nous dit ce jour,
lui qui nous parle du sanctuaire de son Corps,
lui aussi détruit et relevé ?
Le corps ingrat ou disgracieux de Germaine,
nourri chaque jour au Corps du Christ, s’est développé
aux dimensions de la charité du Cœur de Jésus.
Sainte Germaine nous rassemble aujourd’hui,
autour de son corps relevé qui n’a pas connu la corruption (Ps 15, 10).
Elle est visitée chaque jour et fait revivre bien des pèlerins.
Hier, le pape François à Ur en Chaldée, dans sa courageuse visite en Irak,
sur les traces d’Abraham, notre Père dans la foi, disait :
« Il est important de pérégriner vers les lieux sacrés :
c’est le plus beau signe de la nostalgie du Ciel sur la Terre ».
Il développait ainsi sa pensée :
Nous regardons les étoiles et nous marchons sur la terre,
comme le fit Abraham, comme vécut Germaine.
À nous de regarder et de marcher à leur suite,
à la suite des Mages.
Amen.