Sainte Germaine Cousin
« Ce qui est d’origine modeste, méprisé dans le monde, ce qui n‘est pas, voilà ce que Dieu a choisi pour réduire à rien ce qui est ». Cette phrase de St Paul est bien illustrée par la vie de Sainte Germaine, cette jeune fille dont on ne sait presque rien, handicapée, et porteuse d’une maladie de peau ; son physique la mettait à l’écart, dans tout ce qui faisait sa vie quotidienne. Elle vivait comme un ermite, au milieu des moutons, dans la bergerie où elle dormait ou dans les champs. Il n’y avait rien à dire sur elle, sauf qu’elle était bigote, c’est-à-dire qu’elle priait et aimait se rendre à la messe quand elle entendait sonner les cloches.
La vie était rude à l’époque et personne ne s’étonnait de cette vie discrète, silencieuse, solitaire et austère ; sauf quand sa marâtre semblait trop brutale avec Germaine. La vie était rude mais la foi vivante. Sainte Germaine trouvait son refuge, sa consolation et sa force en Dieu. Elle ne se plaignait pas, elle faisait ce qu’on lui demandait. Dieu l’attirait à elle et la formait intérieurement, à l’ombre de la croix. Dans ses prières et ses méditations, elle devait contempler l’amour de Dieu manifesté dans le Christ crucifié. Dans sa pauvreté matérielle, physique, spirituelle, elle attendait tout de Dieu. Dieu lui façonnait un cœur large, capable de pardonner, capable de s’ouvrir à toutes les détresses du monde, un cœur devenu la demeure de Dieu, où Dieu se complaisait à habiter. Mais tout était caché aux yeux de ses contemporains, sauf sa piété sortant de l’ordinaire.
Elle a commencé à faire connaître sa sainteté lors de la découverte de son corps intact, une quarantaine d’années après sa mort. C’est alors que le Seigneur s’est servi d’elle pour répandre ses bienfaits. « La prière du pauvre traverse les nuées », disait la première lecture ; son intercession touchait et touche encore le Cœur de Dieu. Que de bienfaits n’a-t-elle pas obtenus par son intercession ! Les foules sont venues lui demander sa prière, son intercession pour des guérisons et autres nombreuses grâces.
Quels enseignements retirés de cette vie si discrète ? tout d’abord, la foi, une foi simple : Il semble que Ste Germaine savait Dieu toujours présent et aimant. Elle recevait tout de Dieu, les joies comme les peines, ne s’étonnant de rien, sauf de son amour infini. Sa foi se nourrissait de sa prière fervente, de sa participation à la messe, de sa confiance inébranlable, ainsi lorsqu’elle laissait les moutons autour de sa quenouille pour aller à la messe. Elle les retrouvait autour de la quenouille. Les épreuves ne la décourageaient pas.
Nous, nous cherchons des preuves, des consolations, des signes. Notre rapport à Dieu peut être intéressé, égocentré. Une épreuve suffit à ébranler notre foi et à en vouloir à Dieu. Nous oublions souvent que nous sommes dans la main de Dieu et que tout ce qui nous arrive est une occasion de nous en remettre à Dieu et de fortifier notre foi et notre confiance en Lui. Nous oublions bien souvent que la seule victoire est celle de la croix.
Cette foi vivante, nous la demandons au Seigneur, une foi audacieuse, qui n’hésite pas à demander des grâces ; nous sommes ici, en pèlerinage de foi, pour demander au Seigneur des grâces de guérisons, de conversion, de justice et de paix dans notre société et dans le monde. Nous demandons au Seigneur que son Nom soit sanctifié, que son règne vienne, que sa volonté soit faite dans nos vies et dans le monde.
Ste Germaine est aussi pour nous un modèle d’humilité, ne demandant rien pour elle-même, se satisfaisant de son lit de fagot sous l’escalier de la bergerie, de son crouton de pain ou d’une soupe. Elle n’était rien et elle le savait, et elle restait en paix car elle s’appuyait sur Dieu qui était son tout. Elle n’avait sans doute même pas l’idée de chercher une quelconque gloire humaine. Etre petite et méprisée semblait lui convenir. Son cœur simple et pur ne cherchait rien d’autre que cette vie qu’elle menait. Il arrive que l’on se compare, que l’on se jalouse, que l’on rêve d’un ailleurs. Certaines personnes sont malheureuses toute leur vie car elles ne sont jamais bien dans leur situation concrète et elles attendent toujours autre chose. L’humilité permet de goûter l’instant présent, de trouver sa joie dans les petites choses, d’avoir le cœur en paix. Germaine, éduquée par Dieu Lui-même, dans le silence et la solitude, savait s’émerveiller des beautés de la création qu’elle contemplait tous les jours.
Une autre leçon de Sainte Germaine est le silence, l’intériorité, la méditation, la prière. Nous sommes trop souvent à l’extérieur de nous-mêmes et nous nous laissons mener par les modes, les rumeurs, les opinions passagères, les bruits, les réseaux sociaux… Apprenons le sens du silence qui est la condition pour entendre Dieu, apprenons à fortifier notre être intérieur avec la grâce de l’Esprit Saint. Habitons notre temple intérieur où Dieu est présent !
Dieu a façonné le cœur de Sainte Germaine, dans ce quotidien fait d’austérité, de labeur et de contemplation. Comme je le disais plus haut, Il a élargi son cœur, et l’a transformé par la puissance de son amour divin. Cela est resté caché de son vivant, mais a été manifesté après sa mort, par la fécondité de son intercession, la fécondité de son amour.
La fécondité d’une vie n’est pas dans le succès selon le monde, ni dans l’apparence, mais dans la fécondité de l’amour ; cet amour n’est pas un amour ostentatoire, mais le véritable amour qui s’abaisse, se fait discret, ne s’impose pas, se donne. L’amour divin se donne en toute circonstance sans attendre de retour. Germaine, habitée par l’amour divin se donne sans calcul, dans le service quotidien, dans la prière, dans l’intercession.
Que le Seigneur nous apprenne à aimer dans les conditions de vie qui sont les nôtres, à aimer humblement, par des petits actes d’amour, des petits services discrets, une écoute attentive ! seul le véritable amour est éternel !
+ Guy de Kerimel
Archevêque de Toulouse